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Hervé Chabalier, directeur de l'agence de télévision Capa

Hervé Chabalier : "Il faut enseigner la maladie alcoolique"

LE MONDE | 24.11.05 | 14h35  .  Mis à jour le 24.11.05 | 15h08
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Vous êtes directeur de l'agence de télévision Capa. Pourquoi avoir accepté de réaliser une "mission de réflexion et de proposition" sur la lutte contre l'alcoolisme ?

J'ai accepté parce que j'étais un bon porte-drapeau. L'impact de mon livre, Un dernier pour la route, a été très important. J'ai eu l'impression de soulever le tapis et de libérer la parole sur l'alcool. L'alcoolisme est la maladie la plus déniée en France. Le fait d'en avoir parlé comme je l'ai fait ne me pose pas comme expert, mais montre simplement qu'il y a une manière d'aborder ce problème en touchant les gens. Il existe une ignorance et un désintérêt en France pour l'alcoolisme. Ce problème n'est jamais au-dessus de la pile au ministère de la santé.

À LIRE

- Alcoolisme : le parler vrai, le parler simple, d'Hervé Chabalier, Robert Laffont, 158 pages, 15 euros. Parution le 28 novembre.

- "Les Alcooliques anonymes célèbrent quarante-cinq ans d'entraide et de courage"

Le Monde du 21 novembre.

PROPOSITIONS

Le rapport d'Hervé Chabalier propose plusieurs mesures :

faire de la lutte contre l'alcoolisme une "grande cause nationale" ;

inscrire "de manière lisible" sur toutes les bouteilles et canettes : "La consommation d'alcool est dangereuse pour la santé" ;

interdire la vente d'alcool dans les stations-service ;

exiger des commerçants une signalétique "Vente interdite aux moins de 16 ans" dans tous les rayons alcool ;

supprimer l'alcool dans les cantines d'entreprise.


Comment expliquez-vous le non-engagement des politiques face au problème de l'alcoolisme ?

Parce que les politiques ont un souci, quand ils sont élus, c'est d'être réélus. Ce n'est pas un reproche que je fais là, c'est un constat. Or, l'alcoolisation est, culturellement, totalement admise dans ce pays de vignes. L'alcool est magnifié. Il accompagne tous les rites sociaux. C'est pourquoi il est très compliqué de dire : "Attention, l'alcool est dangereux pour la santé." Pourtant, c'est le seul discours possible. "Buvez modérément" ne signifie rien. Je ne demande pas aux politiques de dire de ne pas boire d'alcool, mais de relayer l'information sur la dangerosité de ce produit. Il faut faire de la prévention, car l'alcoolisme est un immense problème de santé publique : il est à l'origine d'un tiers des incarcérations pour crime, de 50 % des violences conjugales, d'un tiers des handicaps... Il faut mener une vraie évaluation des conséquences financières et sociales de l'alcoolisme.

La seule volonté politique qu'il y a eue, c'était la loi Evin. Mais, depuis, les différentes législatures n'ont fait que s'y attaquer pour essayer de la dénaturer. La volonté politique est faible par rapport à la détermination et à l'opiniâtreté des lobbies. Le phénomène numéro un de l'alcoolisme, c'est le déni. Derrière les trois grands chantiers de Jacques Chirac (cancer, sécurité routière, handicap), il y a l'alcool. Mais il n'est jamais pris au premier degré. On s'occupe des maladies qui sont souvent les conséquences de l'alcoolisation, sans traiter ce phénomène

. En préparant ce rapport, avez-vous découvert des aspects que vous ignoriez sur le problème de l'alcool ?

Le plus étonnant, c'est la non-connaissance par le corps médical de l'alcoolisme. La majorité des médecins n'intègrent pas le problème de l'alcool ou le minimisent lorsqu'ils voient un patient. On n'a pas donné aux médecins cette idée fondamentale que l'alcoolisme est une maladie. Enormément de médecins continuent à considérer cela comme une déviance, une tare, un travers. Lorsqu'un gynécologue, par exemple, suit une femme enceinte, il lui demande toujours si elle fume, mais rarement si elle boit. Il faut enseigner la maladie alcoolique au corps médical, lui apprendre que l'alcool relève du même mécanisme de dépendance que la drogue.

L'alcoolisme, c'est une maladie progressive. Quand quelqu'un sent qu'il est en train de déraper, il faut qu'il puisse en parler. Car on peut prendre en main la dérive alcoolique avant que ce soit une catastrophe. Mais, pour la prendre en main, il faut la reconnaître : or, actuellement, ni le patient ni le médecin ne la reconnaissent, et le pouvoir politique ne fait rien pour que ce soit une priorité de santé publique. Il faut combattre le déni.

Vous souhaitez que l'alcool soit "dénormalisé". Qu'est-ce que cela signifie ?

Il s'agit de lutter contre toutes les habitudes et les images qui font que boire est considéré comme normal. C'est un combat très difficile. Fumer est désormais ringardisé. Il faut parvenir à la même chose avec l'alcoolisation. Les personnes abstinentes par nécessité ou par goût sont en permanence agressées par l'invitation à boire. La consommation d'alcool est si naturelle que, lorsqu'on refuse de boire, les gens sont étonnés et insistent. Il faut apprendre à mesurer sa consommation d'alcool. Chaque fumeur sait combien de cigarettes il consomme par jour. Par contre, qui sait combien de verres il a bu, après une soirée ?

L'alcool n'est pas un produit comme un autre. Dénormaliser l'alcool, c'est refuser qu'il soit commercialisé comme un produit normal. Il faut qu'il y ait une éthique de santé publique. Ethique, c'est le mot clé. Le comportement de dealers des alcooliers doit être combattu. Il est honteux, par exemple, qu'ils sponsorisent des fêtes étudiantes. Quant aux députés, ils ont fait passer à la sauvette, comme s'ils avaient honte, des amendements qui foutent en l'air la loi Evin.

Dans votre rapport, vous estimez que les initiatives du groupe parlementaire "Vin et santé" sont un "pousse-au-crime"...

Est-ce normal d'encourager la culture et de magnifier la consommation d'un produit - le vin - dont on sait qu'il n'est pas essentiel pour la santé ? C'est un mensonge, une escroquerie sociale de dire que le vin n'est pas un alcool comme les autres. Même si, effectivement, il n'est pas vécu comme les autres alcools par la société française pour des raisons culturelles. Les hommes politiques qui ont des intérêts dans le monde des alcooliers (viticulteurs compris) ne devraient pas pouvoir intervenir dans le domaine de la santé publique. Il n'est pas question d'être prohibitionniste. Je dis simplement : ayez du plaisir, mais sachez que consommer de l'alcool peut engendrer des dommages pour la santé physique et mentale.

Que devraient comporter les étiquettes des bouteilles d'alcool ?

Il faut y inscrire, noir sur blanc et de manière lisible : "Cette boisson est dangereuse pour la santé", et faire disparaître la mention : "Consommer avec modération."

Propos recueillis par Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 25.11.05
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